Cette partie décrit en premier lieu quelles sont les ressources exploitables (ressources) avec la géothermie profonde, puis comment accéder à cette ressource (accès) avant de voir quel système permet de la capter (captage), comment l’énergie est produite (production) puis diffusée (distribution).
La géothermie profonde est une énergie renouvelable dont les ressources sont abondantes sur le territoire français.
Ces ressources se concentrent schématiquement :
L'évaluation des ressources passe par une phase d’exploration qui vise à délimiter les zones les plus favorables et qui implique des disciplines scientifiques variées : la géologie, l'hydrogéologie, la géochimie, la géophysique, la modélisation.
Le sous-sol métropolitain présente de nombreuses ressources géothermiques sur aquifères profonds, réparties sur les principaux bassins sédimentaires et fossés d’effondrement. Ces ressources se situent essentiellement dans le sous-sol des bassins parisien et aquitain, des fossés rhénan et rhodanien, de la Limagne et du Hainaut (région de Valenciennes et Maubeuge dans le département du Nord) comme illustré ci-dessus.
Le Bassin parisien s’étend sous l’Ile-de-France et les régions limitrophes. Il possède cinq principales ressources en eaux souterraines utilisables en géothermie, intercalées dans des formations sédimentaires déposées sur un socle cristallin plus ancien :
Le Bassin aquitain possède une structure géologique plus complexe. Les aquifères profonds sont nombreux mais moins étendus. Deux zones sont particulièrement favorables : l’une se situe au nord de Bordeaux et une autre longe l’Atlantique, d’Arcachon à Bayonne, puis s’étend au nord des Pyrénées.
Dans certains réservoirs géothermiques, le fluide capté en profondeur est disponible dans des quantités, des températures et des débits tels qu’il permet d’entraîner des turbines et de générer de l’électricité. De la chaleur peut être produite en parallèle par cogénération.
Les zones à volcanisme actif et récent peuvent enregistrer des températures allant jusqu’à 350 °C, à des profondeurs relativement faibles (2000-3000 m).
En France, l’essentiel des gisements se situe dans les territoires d’Outre-mer. Une centrale électrique composée de deux unités fonctionne à Bouillante en Guadeloupe, à partir de forages à environ 1 000 m de profondeur. Des zones potentiellement intéressantes ont été identifiées à la Martinique et à La Réunion où des investigations plus poussées sont nécessaires, certaines étant en cours.
En dehors des zones volcaniques, les fossés tectoniques d’effondrement constituent aussi des zones favorables à la production de chaleur et/ou d’électricité. En France, ils se situent dans les vallées du Rhin et du Rhône et dans le Massif Central essentiellement.
Ces vastes compartiments qui se sont affaissés après un bombement de la croûte terrestre, disposent en effet de températures supérieures à 110 °C au-delà de 2 500 mètres.
La technologie EGS (Enhanced/Engineering Geothermal System ou géothermie "améliorée") permet de rendre exploitable l’énergie de réservoirs initialement peu développés en améliorant leur potentiel de production. Cette technologie a connu d’importantes avancées, au cours notamment d’un programme de recherche européen conduit entre 1987 et 2010 sur le site pilote de Soultz-sous-Forêts (Bas-Rhin), dans le fossé rhénan. Ce démonstrateur, désormais centrale de production d’une capacité de 1,5 MW électrique, est constitué de trois forages à 5 000 m, qui permettent d’exploiter un fluide à 200 °C et de le réinjecter dans le sous-sol.
À Rittershoffen (Bas-Rhin), la centrale géothermique (projet ECOGI) est la première application industrielle de cette technologie EGS. Elle utilise le fluide captée à 160-170 °C par forage à 2 500 m de profondeur pour alimenter en chaleur un procédé industriel.
Plusieurs projets de géothermie profonde sont en cours en Alsace et dans les autres régions favorables.
Une opération de géothermie profonde nécessite la réalisation d’un ou de plusieurs forages permettant d’acheminer le fluide chaud à la surface.
La technique de forage choisie dépend surtout de la nature des terrains traversés (terrains meubles, terrains durs, présence de fractures et de cavités, …).
La plus employée en géothermie est la technique rotary, couramment mise en œuvre dans le secteur pétrolier également. Pour fonctionner, cette méthode de géothermie utilise un tricône muni de molettes dentées qui détruisent la roche sous l’effet du poids et de la rotation. Le poids est assuré par un ensemble de tiges lourdes et creuses qui évacuent les boues de forage sous pression. Ces ouvrages sont tubés et cimentés pour conforter le forage et protéger les aquifères traversés.
La France est le premier pays à avoir généralisé la technique du doublet de forages. En assurant la réinjection du fluide géothermal, elle évite en effet tout impact sur l’environnement et garantit aussi la pérennité de la ressource. Cette solution technique est largement mise en œuvre dans l’aquifère du Dogger notamment.
Le doublet se compose d’un forage de production et d’un forage de réinjection.
Afin de ne pas refroidir le réservoir, les points de prélèvement et de réinjection de l’eau se trouvent à une certaine distance l’un de l’autre (1 kilomètre minimum). Pour éviter de multiplier les plateformes de forage et si la profondeur de la ressource est suffisante, on peut faire des puits dont la trajectoire dévie dans le sous-sol (puits déviés). Une seule plate-forme de forage suffit alors pour positionner les puits de production et d’injection.
Une plate-forme de forage nécessite une emprise au sol de 5 000 à 8 000 m2. En zone urbaine, les appareils de forage utilisés sont compacts pour limiter l'emprise au sol, et silencieux pour pouvoir travailler jour et nuit avec un minimum de nuisances pour les riverains.
Dans certaines situations qui restent des exceptions, comme par exemple les centrales géothermiques de Nouvelle-Aquitaine, le captage géothermique est réalisé à partir d’un unique puits. Après transfert de son énergie à la centrale, l’eau de l’aquifère est rejetée en surface dans une rivière, un plan d’eau ou un réseau pluvial, ou alors réutilisée. Cette option n’est applicable que lorsque l’eau a une faible salinité ou quand la réalimentation naturelle du réservoir est suffisante pour restituer les volumes d’eau prélevés. La gestion actuelle des ressources en eaux souterraines et superficielles visant à limiter les rejets en surface, l’usage du puits unique est soumis à autorisation et tend à disparaître.
Plus d'infos sur le doublet géothermique profond
Plus d'infos sur les équipements du forage et l’obtention des débits :
Le fluide géothermal extrait par un forage de production est amené à la centrale géothermique. Grâce à un échangeur thermique, l’énergie du fluide géothermal est transférée au réseau de chaleur qui la distribue en surface. Le fluide géothermal "déchargé" de son énergie retourne à l’aquifère par le forage de réinjection. L’ensemble de ce circuit crée une boucle géothermale primaire.
Si la température de la ressource n'est pas adaptée à l'usage prévu, on peut avoir recours à une pompe à chaleur et un appoint.
L’échangeur de chaleur est l’équipement clé de la centrale géothermique puisqu’il transmet l’énergie du fluide géothermal puisée dans l’aquifère au réseau de chaleur en surface.
Les échangeurs peuvent être de différents types mais les échangeurs à plaques donnent les meilleures performances. Ces matériels sont constitués de plaques embouties de faible épaisseur assemblées verticalement les unes à la suite des autres. Les espaces entre les plaques sont alternativement traversés par le circuit primaire (fluide géothermal) et par le circuit secondaire (eau du réseau de chaleur).
Pour augmenter les performances d’un réseau de chaleur, il peut être envisagé d’associer au réseau une pompe à chaleur (PAC) qui permettra d’exploiter au maximum l’énergie géothermale disponible, en abaissant la température de retour dans la boucle géothermale.
Une PAC permet également d’exploiter des ressources dont les températures seraient trop faibles pour pouvoir être utilisées directement.
Pour atteindre le niveau de température requis par le réseau de chaleur, une autre énergie peut être apportée en appoint à la production de chaleur géothermique. Cet appoint peut être réalisé soit directement dans la centrale géothermique (appoint centralisé), soit via les chaufferies préexistantes sur le réseau (appoint décentralisé).
L’appoint peut aussi servir de secours en cas d’arrêt de la centrale géothermique.
Selon la pression et la température présentes, l’eau peut se trouver sous plusieurs formes à l’intérieur du réservoir géothermique : liquide, vapeur et un mélange des deux. Les procédés de production de l’électricité varient en fonction de la nature et des propriétés du fluide qui parvient en tête de forage.
Dans une centrale comme celle de Bouillante, l’eau chaude à 250 °C est extraite du réservoir par l’intermédiaire de forages profonds. Ensuite, la vapeur, isolée de la phase liquide à environ 160 °C, dans un séparateur installé en surface, est directement détendue dans une turbine qui met en rotation une génératrice d’électricité. Un transformateur modifie la tension et l’intensité du courant électrique produit par la génératrice pour les adapter aux exigences du réseau. En sortie de turbine, la vapeur est condensée ce qui améliore le rendement de conversion thermoélectrique. Les condensats sont réinjectés dans le réservoir géothermique.
Une centrale géothermique ORC (cycle organique de Rankine), fonctionnant avec un fluide organique qui se vaporise à basse température, permet de valoriser des ressources géothermiques entre 110 et 200°C. Le fluide géothermal produit par un forage est maintenu sous pression à l'état liquide dans le circuit de circulation en surface. Il est ensuite amené dans un échangeur de chaleur où il cède une partie de son énergie au fluide organique. Une fois vaporisé, ce dernier est ensuite détendu dans une turbine couplée à un alternateur, puis condensé au contact du circuit d'eau de refroidissement d'un condenseur. Le liquide obtenu est alors renvoyé à l'échangeur de chaleur, au moyen d'une pompe, pour effectuer un nouveau cycle (vaporisation, détente, condensation, pressurisation). Le fluide organique fonctionne donc en circuit fermé.
Ce schéma présente les différents organes équipant un réseau de chaleur urbain et le fonctionnement de cette installation :
ADEME (2016), Guide pratique Se raccorder à un réseau de chaleur.
ADEME-BRGM (2010), La géothermie et les réseaux de chaleur, guide du maître d’ouvrage
ADEME-BRGM (2008), La géothermie, quelles technologies pour quels usages
Voir les cartes disponibles des ressources géothermiques profondes (Aquitaine, Midi Pyrénées)
Pour aller plus loin